Contexte

L’essor des nouvelles technologies à profondément transformé la société et notre quotidien. Cela a bouleversé nos façons de communiquer, de consommer, de se rencontrer. Ces évolutions peuvent être sources d’émancipation ou de creusement des inégalités. Plus encore, les usages et outils numériques soulèvent des enjeux démocratiques, économiques, de justice sociale et environnementaux. A partir de 2022, 100% des démarches administratives seront accessibles en ligne. Dans ce contexte, des inégalités sociales préexistantes risquent encore de s’accentuer.

  • 15 % des personnes de 15 ans ou plus n’ont pas utilisé Internet au cours de l’année
  • 38 % des usager·e·s manquent d’au moins une compétence numérique de base et 2 % sont dépourvus de toute compétence.
  • 17 % de la population est en situation d’illectronisme, ou d’illettrisme numérique
  • 1 personne sur 4 ne sait pas s’informer et 1 sur 5 est incapable de communiquer via Internet.
  • « Les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, celles vivant seules ou en couple sans enfant ou encore résidant dans les DOM sont les plus touchées par le défaut d’équipement comme par le manque de compétences. » [*Stéphane Legleye, Annaïck Rolland (division Conditions de vie des ménages, Insee 2019)]

Les Centres Sociaux rennais sont de plus en plus interpellés par des habitant·e·s inquiet·e·s de la numérisation en cours. Face à cette inquiétude, l’inclusion numérique a été définie comme un enjeu prioritaire lors de l’Assemblée générale de 2017.

Un groupe de travail inclusion numérique a alors été créé. Constitué de bénévoles, de salarié·e·s de l’ARCS, au départ, depuis, la Fédération des Centres Sociaux de Bretagne et l’association Agir La plume ont rejoint le groupe.

Une mission transversale d’informaticienne publique a été créée qui a pu dans les premiers mois de sa mission, diagnostiquer les besoins des habitant·e·s des quartiers sur lesquels les Centres Sociaux sont implantés :

  • Les chiffrés clés du diagnostic réalisé en 2017
  • 17 % des personnes rencontrées ne possèdent aucun outil.
  • 30 % ne possèdent pas de connexion à internet.
  • 14% sont en situation d’illectronisme (9% ne savent pas répondre à un sms ou appeler)
  • 60% ont plus de 60 ans

Un environnement numérique rennais, dynamique :
Précurseur dans le domaine, l’association BUG coordonne 31 espaces publics numériques qui maillent la ville de Rennes, complété par 6 espaces socio-numérique dans les Espaces Sociaux Commun (ESC). Un réseau de FabLab [Sur le territoire de Rennes métropole Association LabFab est un réseau et une communauté de pratiques, d’acteurs de la fabrication numérique et de la transition du territoire.” http://www.labfab.fr/association/] favorise l’inventivité et donne accès à des outils de fabrication numérique. De nombreuses associations proposent des accompagnements individuels ou collectifs. Les bibliothèques municipales peuvent également avoir une fonction de médiation numérique.
Cette dynamique Rennaise attire de nouveaux acteurs·rices, exemple, Google a installé à Rennes son 1er atelier numérique en France.
Dans cet environnement numérique en permanente évolution nous devons définir et affirmer nos valeurs et notre rôle en tant que Centre Social agissant sur les territoires rennais notamment auprès de publics les plus vulnérables. Comment et sur quoi l’Association Rennaise des Centres Sociaux peut agir pour contribuer à l’autonomie numérique des habitant·e·s ?

Notre prise de position :

L’Association Rennaise des Centres Sociaux-ARCS œuvre pour donner la parole et le pouvoir d’agir aux habitant·e·s tout en défendant des valeurs de solidarités de démocratie et de dignité humaine. L’ARCS vise à favoriser l’autonomie numérique des habitant·e·s. En agissant au plus près des publics les plus fragiles, elle souhaite développer une approche positive et éclairée du numérique, en cohérence avec ses valeurs.
En nous appuyant sur les acteurs·rices des centres sociaux, salarié·e·s et bénévoles, les partenaires hébergés, nous devons développer des interventions, des actions qui favorisent l’autonomie des habitant·e·s dans l’usage des outils numériques pour toutes les formes de besoins et démarches en lien avec leur vie quotidienne. Ces actions peuvent se situer au sein des Centres sociaux ou en proximité des lieux de vie des habitant·e·s. L’ARCS agit au sein d’un réseau d’acteurs publics, associatifs et privés. C’est en s’inscrivant de façon active dans ce maillage qu’elle contribue à répondre et à relayer les besoins, les préoccupations des familles et des habitant·e·s.
Nous devons contribuer à la prise de conscience des possibilités que permet l’usage du numérique mais également ses risques et dérives potentiels.
Nous devons agir sur les freins qui limitent les usages qu’ils soient économiques, sociaux, psychologiques ou cognitifs.
Appréhender, s’approprier le numérique est une opportunité pour développer de nouvelles formes de solidarités entre habitant·e·s, lutter contre l’isolement, développer l’économie circulaire [Économie circulaire : Elle désigne un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et des services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages de ressources (matières premières, eau, énergie) ainsi que la production des déchets. Il s’agit de rompre avec le modèle de l’économie linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter) pour un modèle économique « circulaire ». https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leconomie-circulaire].
Pour la mise en œuvre de cette orientation nous devons tenir compte d’un certain nombre d’aspects sur lequel le groupe inclusion numérique a souhaité se positionner.

L’accompagnement à proposer :

L’accompagnement de l’ARCS se situe dans une diversité d’approches, à un niveau individuel ou collectif, par des professionnel·le·s ou des bénévoles. Il pourra se réaliser dans les Centres Sociaux et en proximité des lieux de vie des habitant·e·s.
Les professionnel·le·s notamment les CESF, les médiatrices ou médiateurs peuvent être amené·e·s à accompagner les habitant·e·s, sur des démarches administratives (coffre-fort numérique, création d’un compte, d’une boite mail…) en individuel et en collectif. La chargée de mission inclusion numérique et l’informaticien publique accompagnent les habitant·e·s à l’usage des outils numériques et peuvent venir en soutien aux projets.
Les bénévoles développent des accompagnements qui visent à démystifier, à développer l’utilisation des outils, les logiciels (l’univers du libre), les applications pratiques, l’aisance, la réparation. Ils n’ont pas vocation à effectuer un accompagnement administratif. Une charte du bénévolat permet de situer le cadre de cet accompagnement. Ils peuvent orienter les personnes vers des professionnel·le·s ou des partenaires ressources.

Les complémentarités et alliances :

L’Association Rennaise des Centres Sociaux n’a pas vocation à se substituer aux logiques de dématérialisation des administrations (CAF, Préfecture, Impôts, pôle emploi, CPAM…) Les espaces socio-numériques au sein des ESC, et le PIMMS [ Point Information Médiation Multi-Services]ont développé cet accompagnement et cette médiation spécifique. La Plume (association AGIR) peut également accompagner au numérique sur les démarches administratives et les courriers pour les personnes ayant une adresse mail.
Pour certain·e·s habitant·e·s, l’accès au matériel et à Internet est une difficulté économique majeure. Nous avons débuté un partenariat avec Envie 35 pour l’accès à un ordinateur. Nous souhaitons également investiguer le principe d’une tarification sociale avec les bailleurs pour les abonnements Internet.
Nous avons et nous aurons des opportunités pour développer du partenariat avec le secteur privé, des fondations. Leur apport et expertise peut venir compléter nos actions pour et auprès des habitant·e·s. Nous devrons toutefois faire preuve de vigilance préalable :

  • En établissant les attentes que nous avons vis-à-vis d’un projet visant à l’autonomie numérique des habitant·e·s.
  • Au cours des rencontres préalables avec le ou la partenaire potentiel·le, nous devons bien définir l’intérêt de chacun·e et les rôles réciproques et aborder les conditions de réalisation et l’accompagnement des habitant·e·s en cohérence avec nos valeurs : l’accueil de tous, la dignité humaine, la solidarité et la démocratie.
  • Nous garantir qu’en aucun cas des données personnelles seront enregistrées et exploitées et connaitre pour valider l’éventuelle communication qui pourrait être réalisée vis-à-vis du partenariat.

L’éthique et la solidarité numérique :

« Si c’est gratuit c’est que vous êtes le produit » cet adage est déjà une première étape dans les choix d’usage. Dans le domaine du numérique, il est souvent complexe de bien mesurer les risques, (complotisme, fausses informations, addiction, troubles comportementaux, matraquage publicitaire, rupture des limites entre sphères publics et privées, collectes de données personnelles…) les conséquences de nos pratiques (l’impact écologique), les intérêts sous-jacent des fournisseurs d’accès aux logiciels, les applications gratuites et les réseaux sociaux.
L’ARCS doit contribuer à un usage émancipateur des outils numériques et à la prise de conscience de leurs travers, de leurs pièges ainsi que de l’impact environnemental des usages.
Que ce soit en interne, dans nos usages professionnels ou dans l’accompagnement des habitant·e·s, nous privilégieront les systèmes d’exploitation et les logiciels libre, dans la mesure où ceux-ci répondent à nos besoins.
La question de l’éthique en numérique n’est pas un sujet évident à aborder d’emblée dans l’accompagnement individuel. La fonction pédagogique de l’accompagnateur permet de « dé diaboliser » l’utilisation. Il doit également faire de la prévention, systématiquement.
Nous devons faciliter l’accès à du matériel à bas coût mais également aux fournisseurs d’accès internet avec une tarification sociale. Cet enjeu nous amènera en élaborer des partenariats avec des structures favorisant l’économie circulaire et avec des bailleurs.
Nous pouvons faciliter le développement de réseau d’entraide, d’échanges de services, prêt de matériel entre habitant·e·s. Développer les espaces et les actions de transmissions de compétences numériques par des bénévoles

Numérique et éducation populaire :

L’éducation populaire reconnaît à chacun la volonté et la capacité de progresser et de se développer, à tous les âges de la vie. Elle ne se limite pas à la diffusion de la culture académique, elle reconnaît aussi la culture dite populaire. Le numérique est un univers tellement vaste et aux potentialités toujours réinventées qu’il y a un enjeu à mieux le connaitre pour mieux l’appréhender. La formation de tous les acteurs·rices de l’association est indispensable. C’est à partir de là que professionnel·le·s ou habitant·e·s vont pouvoir dépasser leurs appréhensions, s’emparer du numérique pour développer de nouvelles formes d’usages, d’accompagnement, d’apprentissages, de loisirs et des projets collectifs.
C’est une opportunité en tant que structure se réclamant de l’éducation populaire que se saisir de cet objet pour sensibiliser, partager des connaissances, interagir, débattre dans un cadre respectueux des personnes en s’appuyant sur les connaissances et expériences de chacun, des expertises extérieures, des supports sonores, visuels.

Mise en œuvre :

  • Permanences informaticien·ne public·que hors et dans les murs
  • Écoute des besoins et accompagnements de projets d’habitants
  • Ateliers collectifs ou individuel par des bénévoles et/ou des professionnel·le·s (initiation, thématiques, réparation)
  • Activation de partenariats pour favoriser l’accès à du matériel à bas coût,(CCAS et Envie 35)
  • Activation des partenariats pour compléter les actions des centres sociaux (ESC, maison des Ainés, La plume Agir, Fondation Orange…)
  • Orientation vers une médiation numérique (partenaire, lien avec les autres acteurs)
  • Espaces d’échanges et de débats
  • Formations de bénévoles et professionnel·le·s